Inspiré par la série "Les approches" d'Annette Messager réalisée en 1973, mon projet transpose cette idée dans le contexte actuel de 2024, marqué par le harcèlement des femmes dans la rue. Ce qui distingue ma démarche est que je documente mon état d'esprit en étant physiquement présente dans la rue, et en expliquant comment je me suis donné du courage pour incarner le rôle de prédateur, habituellement réservé aux hommes. L'œuvre réside dans l'acte même d'aller dans la rue.
Le harcèlement de rue comprend des comportements dans les espaces publics, visant à interpeler verbalement ou non, avec des messages intimidants, irrespectueux, humiliants en raison du genre, de l'orientation sexuelle, de la couleur de peau, de la situation de handicap. Ces actions, souvent dirigées vers les femmes, se produisent dans l’espaces public, et prennent la forme de sifflements, commentaires, insultes, voir attouchements. Répétitifs et violents, ils créent un environnement hostile, portant atteinte à la dignité et à la liberté des personnes visées.
L'association Stop au Harcèlement de rue explique : « Nombre de femmes apprennent à baisser la tête, ne pas répondre, changer de trottoir… Elles tentent d’éviter ces réactions anxiogènes en cessant de sourire en public, en s’habillant différemment, en ne prenant plus les transports en commun de nuit. Bref, elles se sentent moins en sécurité, moins autonomes. Par crainte, elles deviennent moins ouvertes aux vraies rencontres, moins enclines à aller draguer ou à se laisser draguer. Et c’est bien dommage. »
La série est un renversement du regard masculin qui objectivise le corps féminin.
Cela implique un retournement du rapport proie/prédateur. En plaçant mon attention sur ces braguettes, les hommes sont déshabillés voir émasculés sur la place publique. En visant n'importe quel homme, pour susciter la crainte d'être photographié, installant ainsi la peur à la manière d'un attentat visuel.
La peur change de camp.
Le texte qui accompagne l'ensemble de la série évoque le processus de création.
Note de l'artiste à propos du travail de mise en condition qu'il a fallu mettre en place pour parvenir à prendre ces photos en tant que femme
" Les premiers jours ont été compliqués, je n’arrivais pas à me mettre dans la peau d’un prédateur.
J’ai donc mis en place un protocole pour m’aider à incarner ce rôle.
La playlist des Riot girl dans les oreilles, gants en cuir noir, blazer large par-dessus ma robe courte dans laquelle je suis le plus à l’aise.
Appareil à la main, je positionne mon œil derrière l’objectif, doucement je sors mon maxi zoom et je traque ma cible.
Une fois la cible dans le viseur, je tire, capture, et collectionne jalousement ces clichés.
Enregistrées au format le plus qualitatif, je trie précieusement chacune de mes photographies."